La Commission européenne a ouvert une consultation publique sur les programmes cadres Horizon 2020 et Horizon Europe. Cette consultation en trois volets dressera le bilan du précédent programme-cadre (Horizon 2020), l’évaluation à mi-parcours de l’actuel (Horizon Europe) et la préparation du plan stratégique pour la deuxième partie d’Horizon Europe (2025-2027). Elle est ouverte jusqu’au 23 février 2023.

Le collectif Horizon Terre se saisit de cette consultation pour exprimer une autre façon de concevoir la planification de la recherche et pour donner à voir le fruit de ses propres réflexions sur les orientations à donner aux recherches scientifiques futures dans différents domaines. Horizon Terre vous encourage à reprendre les réponses suivantes pour leur donner plus de visibilité.

Dans la pratique, la consultation est à retrouver sur ce lien https://ec.europa.eu/eusurvey/runner/Horizon2020HorizonEuropeStrategicPlan2025-2027. Elle comporte 5 sections, les réponses que nous avons formulées s’adressent à la Section E « Lessons learned and messages for the future ». Par rapport à la question « Quels sont les principaux enseignements que vous tirez du programme cadre précédent et du programme cadre actuel de l’Union pour la recherche et l’innovation, et les messages que vous souhaiteriez transmettre pour l’avenir du programme ? », nous avons répondu :

Sur les modes d’intervention et les types d’action :

Dans le cadre d’Horizon 2020 et Horizon Europe (HE), la Commission et le Parlement européens font le pari d’une « croissance verte », c’est-à-dire de maintenir la croissance économique en se passant des énergies fossiles, grâce à des solutions technologiques. Le pilier 2 d’HE est symptomatique de l’ambition d’allier à la fois Compétitivité industrielle et défis sociétaux. C’est ce qu’on appelle le découplage, l’hypothèse selon laquelle il est possible de briser la corrélation historique entre PIB et émission de GES. Or la mobilisation des technologies numériques pour ce découplage pose question, en terme d’impact environnemental du numérique (4% des émissions mondiales de CO2), de possible pénurie de ressources en minerais et métaux, ainsi qu’aux pollutions et aux tensions géopolitiques que leur exploitation génère, mais aussi par rapport aux nouveaux objets et usages crées, qui s’accompagnent des « effets rebond ». Ainsi, dans sa configuration actuelle, le programme Horizon Europe risque de manquer l’objectif d’aider l’Europe à remplir ses engagements. Pire, l’illusion que des solutions purement technologiques seraient possibles pour décarboner l’économie retarde les actions d’ordre socio-politique, qui devraient être au centre du programme de recherche européen.

Sur le recensement des priorités de financement :

La Commission européenne propose dans ce questionnaire et pour le futur plan stratégique d’HE des priorités de financement de la recherche, soumises à consultation. Si la participation des parties prenantes sont souhaitables dans un processus démocratique, les consultations n’y contribuent que très partiellement et peuvent donner l’illusion d’une participation. En effet, les répondants ne représentent qu’une partie de la société, celle qui est la mieux informée sur les enjeux et qui y a des intérêts particuliers. Le devenir des réponses n’est ni explicite ni transparent. Au final, les commanditaires de la consultation maitrisent les conclusions qu’ils voudront bien exprimer.

D’autres dispositifs, comme les Conventions Citoyennes, sont plus à même de faire converger une diversité d’opinions vers le bien commun. Celui-ci ne résulte pas du simple recueil de réponses mais de la mise en œuvre d’avis produits par des personnes dénuées d’intérêt pour une solution particulière (tirées au sort), complètement informées sur tous les effets souhaités ou indésirables de chaque solution possible (expertises contradictoires), abritées des pressions et ayant pris le temps de la discussion pour une élaboration collective. Afin que l’intérêt collectif soit issu d’un processus démocratique sérieux, au moins 10% du budget public de recherche devraient être déterminés grâce à une Convention Citoyenne. Une pétition a été lancée pour supporter cette idée : https://horizon-terre.org/petition/

Sur la mise en œuvre du programme/des projets et des procédures :

La consultation porte sur les modalités d’accès aux moyens disponibles, c’est un point important car les procédures actuelles ne permettent pas ou peu l’implication de laboratoires ou d’organisations de la société civile qui ont des capacités limitées à gérer des dossiers complexes et lourds. Il est nécessaire d’œuvrer pour favoriser l’implication d’une diversité d’acteurs dans des projets de recherche d’ampleurs variées. Les projets devraient donner une plus grande place à l’implication de différentes formes de savoirs, notamment dans des recherches participatives ouvertes à des acteurs non-académiques. Cela implique de rompre avec l’idée qu’il n’y aurait qu’une seule forme de recherche excellente alors qu’au contraire il serait utile de favoriser une diversité d’approches scientifiques, adaptées aux défis actuels, en modifiant les critères d’évaluation. Nous regrettons donc la disparition dans HE du défi transverse Science With and For Society, qui permettait des expérimentations de nouvelles formes de co-production des savoirs, avec des savoirs extra-universitaires. Nous souhaitons que des moyens soient mis en œuvre dans la suite d’HE pour encourager la participation de la société civile non marchande aux projets de recherche, et à toutes les étapes de la recherche.

Autres :

Les priorités de recherches identifiées dans HE visent surtout l’élaboration de solutions technologiques aux problèmes ou « défis sociétaux », plutôt que l’analyse et le traitement des causes des problèmes. À rebours de ce technosolutionnisme, nous pensons que la manière la plus efficace, la plus rapide et surtout la plus sûre de diminuer l’empreinte carbone est de diminuer la consommation énergétique. Ceci passe par une diminution et des changements de consommation, par une répartition plus juste des richesses naturelles et économiques, par une réflexion sur les besoins qui vaillent vraiment la peine d’être satisfaits. Cela vaut aussi pour la recherche qui se doit de se montrer plus sobre dans son usage des ressources. Il s’agit donc de mettre en oeuvre de nouvelles façons de vivre ensemble sobres et néanmoins heureuses. Un collectif d’une quarantaine de membres académiques, associatifs et étudiants a travaillé sur ce que pourraient être les priorités de la recherche dans le contexte des limites planétaires. Leurs propositions de recherche prioritaires sont consultables dans le rapport Horizon Terre : https://horizon-terre.org/wp-content/uploads/2022/07/Rapport_HorizonTERRE.pdf. Elles seraient peu onéreuses, 10% du budget actuel d’HE seraient sans doute suffisants à les financer. Cependant, notre souhait est que l’arbitrage des orientations de la recherche soit réalisé par des procédures démocratiques, le rapport Horizon Terre étant l’une des contributions au débat.