Sciences – sociétés démocratie
Afin de choisir les grandes orientations de la recherche publique, Horizon TERRE en appelle à une gouvernance démocratisée de la recherche et à une autre approche des rapports entre science et société. En effet, aujourd’hui, la négociation des choix de recherche et des options technologiques se joue entre responsables scientifiques, hauts fonctionnaires et entreprises. Il semble entendu que seul l’État et les communautés savantes peuvent juger de l’intérêt, de la faisabilité et de l’utilité des projets de recherche. Horizon TERRE fait le pari inverse : ouvrir le débat à l’ensemble des citoyen·nes dans une démocratie incluant les choix scientifiques.
Horizon TERRE plaide pour l’invention de nouvelles formes de mise en démocratie des options techno-scientifiques : Conventions Citoyennes pour proposer comment répartir les efforts publics entre domaines de recherche, ouverture des structures de programmation de la recherche aux acteurs et actrices de la société civile, transparence sur l’utilisation des fonds de recherche… Plus que la seule régulation des orientations de la recherche et de l’innovation, c’est également la production de savoirs qui est appelée à sortir des espaces confinés des institutions spécialisées, en s’appuyant aussi sur les savoirs extra-universitaires (les savoirs-faire, les savoir-vivre, les savoirs organisationnels, les savoirs traditionnels, les savoirs expérientiels, les savoirs autochtones, etc).
Le but est de reconnaître pleinement ces savoirs, leur importance dans les enjeux actuels et l’intérêt d’associer les citoyen·nes à la co-production de nouvelles connaissances en vue de satisfaire les besoins de notre planète et de ses habitant·es.
Chacun des axes de recherche envisagés a vocation à agréger recherche associative, expertise citoyenne et à être mené en co-construction par des organisations à but non lucratif et des laboratoires publics. Un programme de recherche de type Horizon TERRE peut être engagé à un coût financier très inférieur aux stratégies actuelles de recherche. Il peut propulser la recherche participative comme modalité centrale de productions de connaissances.
Des pistes pour une stratégie alternative de recherche
Dans leurs propositions, les membres d’Horizon TERRE livrent un état forcément provisoire et volontairement inachevé de leur réflexion quant à ce qu’il leur semble, collectivement, constituer des priorités de recherche. Pour mettre en forme ces réflexions, ils ont choisi de produire une version alternative du programme Horizon Europe et ont adopté le même découpage en comités (Santé ; Agriculture et alimentation durable ; Énergie-Habitat-Mobilité), à comparer avec les “clusters” de Horizon Europe, concernant le défi “Problématiques mondiales et compétitivité industrielle” (Santé ; Alimentation, bioéconomie, ressources naturelles, agriculture et environnement ; Climat, énergie et mobilité). Ils ont également opté pour une forme de présentation des stratégies, des justifications, des domaines d’intervention et des axes de recherche similaires à Horizon Europe. Ces choix sont bien sûr discutables, en particulier du fait des inévitables cloisonnements de la réflexion qu’occasionnent ces découpages, si mal adaptés à la complexité des situations à affronter. Sont donc naturellement apparus au cours du travail des axes de recherche recouvrant les thèmes de deux voire trois des comités.
Pour exemples, sont proposés dans ce texte des recherches qui concerneraient la suffisance énergétique et les degrés d’autonomie des territoires en fonction de leurs ressources, les options low-tech et traditionnelles dans le bâtiment ou le machinisme agricole, les approches sensibles entre humains et non-humains, le déplacement épistémique de la maladie vers la santé, l’économie de la transition écologique, les processus de décisions démocratiques et l’articulation des échelles.
Certaines propositions ne sont pas si éloignées des questions de recherche figurant dans le programme cadre Horizon Europe ou dans d’autres stratégies de recherche nationales. Cependant, dans le cas d’Horizon TERRE, ces propositions alternatives constituent le cœur d’un programme de recherche tourné exclusivement vers la transition écologique et solidaire. Il s’agirait de mettre ces recherches au centre du financement en privilégiant les approches de recherches participatives et en assurant le suivi citoyen des projets. En l’absence de mécanismes assurant une collaboration forte entre science et société tout au long du projet, les meilleures intentions peuvent aisément être détournées vers des pratiques dites de greenwashing, fondamentalement éloignées des promesses initiales.