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Mon travail au sein d’une administration de financement de la recherche m’amène quasi quotidiennement à réfléchir à la programmation des thématiques de recherche. Lorsque j’ai reçu le document Horizon Terre j’ai tout de suite perçu la pépite que j’avais sous les yeux. Ce qui m’a particulièrement impressionné c’est le caractère neuf et disruptif des propositions. Tout au long de mon travail, je constate à quel point il est difficile de faire émerger des propositions de recherche qui ne s’inscrivent pas déjà dans les circuits existants. J’ai souvent l’impression que les programmes se construisent à partir de l’existant, de ce qui se fait déjà, de ce qu’on souhaite améliorer ou poursuivre. Cela conduit selon moi souvent à des situations où l’on construit des futurs obsolètes en se basant sur le connu, le partiellement exploré. Ici, le programme Horizon Terre propose de toutes nouvelles pistes, il propose un réel changement de regard tant sur des thématiques de société qui me semblent cruciales que sur des approches et des manières de produire les connaissances. Il ouvre sur des inconnus, des inexplorés. C’est ce je recherche dans un document qui ambitionne de guider le soutien à la recherche stratégique.

L’émulation créée par cette démarche inédite, rassemblant des personnes de mondes divers (parfois parallèles) a donné naissance à une production extraordinaire, unique en son genre, et riche de toutes nos expériences, discussions, complexités… Les propositions d’Horizon Terre abordent concrètement les enjeux qui s’annoncent et témoignent du changement de logiciel à enclencher, pour sortir d’une fuite en avant techno-solutionniste et s’engager dans des programmes systémiques, multi-disciplinaires. La rédaction n’a pas toujours été simple, opposant la vigueur militante à la rigueur des chercheurs associés. Elle a dû faire l’objet de compromis (mais jamais de compromissions!) pour embrasser la complexité de la biodiversité humaine ! Mais nous sommes convaincus que le résultat parle aujourd’hui plus à nos concitoyens que ce que l’Europe ambitionne !

‘HTerre’ a été une expérience très riche, stimulante, dont les rencontres ont été bien perturbées par la pandémie, mais les GAFAM nous ont encore sauvés 😉

Après presque 30 ans de recherche sur la biodiversité, conduites avec beaucoup de plaisir et de satisfaction à observer ce qui fait un des charmes de notre monde, je me rends compte depuis quelques années que ces études sont d’abord une autopsie de la biodiversité. On saura vraiment en détail par quoi et comment elle a été dégradée, mais que ce n’est pas par manque de connaissance. Les connaissances aujourd’hui sont globalement suffisantes pour savoir où et comment agir. L’enjeu est d’activer nos institutions et nos concitoyens·ennes pour modifier radicalement nos modes de vie dans un plus grand respect pour les autres êtres vivants de cette planète. Les orientations proposées par Horizon Terre vont dans ce sens. C’est une proposition de recherche fondamentale dans le sens qu’elle re-questionne les enjeux fondamentaux en sortant des sillons déjà tracés des sciences  » surfaites « . Mes recherches aujourd’hui sont beaucoup plus tournées vers l’action et ceux.celles qui veulent agir, vers le décloisonnement des connaissances, entre disciplines et avec d’autres façons de penser. Il s’agit de mettre en lien des pratiques concrètes de recherche, des finalités opérationnelles et des façons de voir le monde, et pas seulement de trouver des solutions plus ou moins technologiques ou fondées sur la nature à des problèmes aux causes complexes. Horizon Terre ouvre le champ de ces réflexions et de ces actions, et propose d’inventer de nouvelles manières de faire de la science.

 Nous traversons une période où il est difficile de garder le cap pour travailler énergiquement en faveur d’une bifurcation réelle de nos systèmes de production, vers une restauration des conditions d’habitabilité de la Terre à moyen terme. Il devient même évident que c’est l’idée même de production, l’obsession pour cette dernière, comme horizon social, économique et politique, qui pose à présent problème. Horizon Terre, de ce point de vue, arrive à point nommé, en nous donnant, si j’ose dire, des perspectives. Une démarche systématique, systémique, et opiniâtre telle que celle-ci donne du sens à nos travaux à chacun.e, les relie. Elle nous donnera collectivement, espérons-le, plus de puissance d’agir, pour une recherche scientifique à la hauteur des catastrophes écologiques en cours.